Vivre en autonomie au fond des bois ? C’est le pari fou de Clarisse et Élie, deux Français qui ont tout plaqué pour s’installer au milieu d’une forêt en Estonie.
Leur cabane en Estonie : une vie alternative dans les bois
Clarisse et Élie sont tombés amoureux de l’Estonie en 2015 alors qu’ils aidaient des amis éleveurs. Ils sont revenus en stop et sont repartis du jour au lendemain avec leur voiture chargée à bloc pour une nouvelle vie. Le couple réfléchissait depuis longtemps à une vie en autonomie. Ils ont trouvé le terrain parfait pour réaliser leur rêve : un terrain de deux hectares à l’abandon depuis 25 ans, au milieu des bois, au Sud du pays. Ils n’ont ni douche, ni eau courante, ni confort : mais c’est ainsi qu’ils veulent vivre.
Vivre en autonomie : la liberté au milieu de nulle-part
Cette envie de vie rustique était déjà bien ancrée dans les esprits de Clarisse, âgée de 36 ans, et Élie, 37 ans.
Ils sont immédiatement tombés sous le charme de l’endroit sauvage, situé près d’un hameau littéralement nommé « lieu isolé ». Ils ont été séduits par l’idée de redonner vie aux édifices abandonnés.
Les trois bâtiments en rondins de bois sur le terrain défient le temps. Il y a une remise (l’ait), une vieille maison (la vana maja – c’est là qu’ils vivent) et un sauna. La maison qu’ils occupent est une maison traditionnelle en bois organisée autour du poêle. Les murs du poêle sont enduits à la chaux. Le sauna, qui est un bâtiment indépendant, est un indissociable des cultures finno-ougriennes : on s’y lave, on y fait fumer de la viande. Clarisse et Élie souhaitent donc le garder et le combiner avec autre chose, par exemple un four, afin d’exploiter au maximum l’énergie consommée. Mais en attendant sa réparation, le couple l’a transformé en poulailler. Ils ont 11 poules qui peuvent pondre jusqu’à 10 œufs par jour.
Ils ont fait le choix de se chauffer au bois. Leurs journées sont bien remplies : « Fendre le bois, puiser l’eau, prendre soin des bêtes, faire tourner les feux sont nos principales préoccupations ». Les conditions de vie en hiver sont rudes : les températures peuvent descendre jusqu’à -25°C et les journées durent moins de 8 heures. Cela ne permet pas l’avancée des travaux en extérieur comme la maçonnerie ou encore la réparation du sauna. Les sols sont gelés, les obligeant à mettre en pause la réhabilitions des édifices déjà sur le terrain avant de construire des cabanes destinées à accueillir des visiteurs. Mais ils profitent de ce temps pour réfléchir à l’organisation pour la suite car vivre en autonomie soulève de nombreuses questions qui nécessitent une vraie réflexion.
Économie de ressources naturelles et d’énergie pour limiter l’impact sur l’environnement
L’eau de leur puits n’est pas encore buvable. Ils l’utilisent pour les tâches domestiques comme la vaisselle, le ménage et les petites lessives. Ils s’en servent également pour se laver. L’eau usée est ensuite utilisée pour laver les différentes bassines en émail. Ils fabriquent leurs propres produits ménagers et tous leurs produits d’entretiens sont biodégradables : savon de Marseille, savon noir et vinaigre. Leur maison est d’ailleurs remplie de bassines
Comme il n’y a pas d’eau courante, ni système d’évacuation des eaux usées, ils ont dû s’adapter en installant des toilettes sèches.
Par ailleurs, ils troquent l’eau potable des plus proches voisins contre des pommes. Ils ont aussi restreint l’électro-ménager à une cuisinière : « Les plaques électriques sont plus rentables que le bois quand il faut faire bouillir de l’eau. Nous cuisinons en majorité sur le poêle, ce qui a sensiblement modifié les horaires des repas, histoire de modérer la consommation de bois. Le sas d’entrée de la cabane, typiquement estonien, nous sert de frigo. Quant au reste, du superflu ! » Après tout, pourquoi poser des robinets si l’on a appris à s’en passer ?
Cette vie rustique leur impose créativité et endurance. Ils récupèrent, transforment. Le cellier extérieur était par exemple inutilisable en l’état. Ils ont démonté les planches qu’ils ont réutilisées pour faire du mobilier. Ils appliquent également la technique du bois brûlé, astuce inspirée d’une technique japonaise, assainissant.
Pour vivre en autonomie ils ont dû adapter leurs habitudes de consommation avec l’eau, l’électricité ou le bois, afin préserver au maximum les ressources. Une ressource non consommée est une ressource de moins à produire.
Ils ont choisi de limiter l’utilisation des outils modernes en favorisant les outils anciens qui ne nécessitent que de l’huile de coude pour fonctionner.
Vivre en autonomie impose aussi l’autosuffisance alimentaire
Le printemps verra le lancement des gros chantiers. Le potager, dont la terre a été retournée à temps, grâce au coup de main d’un voisin, s’impose en premier. Leur idée est d’expérimenter leur terre, et d’utiliser les techniques de culture appropriées au climat continental. En outre, de commencer petit, via des semences de vivaces courantes et de légumes anciens : « Bien sûr, nous comptons sur quelques ficelles. Culture sur couches chaudes, sur paillis, sous serre entre autres. Mais il nous faudra être très attentifs, car le but est de formuler l’équation idéale pour progresser, agrandir, semer et récolter légumes, petits fruits, herbes aromatiques, médicinales. On imagine ce jardin comme un espace vivant, confortable, aménagé, merveilleusement parfumé : une cuisine d’été, des aménagements pour s’y balader, s’y reposer, y rêvasser. Pratique aussi, abritant les outils, la basse-cour, le fumier, des réserves d’eau ».
Ils comptent installer des ruches en vanneries spiralée (technique qu’Élie connaît bien) afin de favoriser les pollinisateurs. Sans parler de ce qu’ils possèdent déjà, une dizaine de pommiers, et de la forêt, à perte de vue.L’Estonie est le paradis du cueilleur de champignons ou de baies sauvages : des girolles, cèpes, trompettes des morts, et des canneberges, myrtilles, framboises…
Et vous, pensez-vous que vivre en autonomie soit possible ?