L’expérience Biosphère Urbaine : ils ont créé l’appartement du futur

Comme son nom le laisse entendre, l’expérience Biosphère Urbaine ne s’est pas déroulée en pleine campagne, mais en plein cœur de Boulogne-Billancourt, en banlieue parisienne. 

Durant 120 jours, entre mi-juillet et mi-novembre 2024, Corentin de Chatelperron et Caroline Pultz ont habité un studio de 28 m² et l’ont transformé en un véritable laboratoire. 

Le défi était de taille : aller contre les idées reçues qui associent forcément le mode de vie écologique à une vie à la campagne sur un grand terrain. 

Ici, leur expérience prouve que l’énergie solaire, la culture de champignons ou encore la bioponie ont toute leur place en ville, même au deuxième étage d’un immeuble des années 70. 

Avec 17 systèmes low-tech intégrés, cet habitat-écosystème a permis de diviser par 15 la consommation d’énergie et par 10 la consommation d’eau par rapport à la moyenne française.

Pour ceux qui souhaitent découvrir cette aventure en images, une web-série de 8 épisodes est disponible sur arte.tv.

Dans cet article, j’ai sélectionné cinq low-techs pratiques et ingénieuses que vous pouvez envisager d’installer chez vous (même et surtout si vous habitez en appartement !).

1. La nouvelle version des toilettes sèches : les toilettes vivantes 

Dans un logement classique, les toilettes consomment environ 20 % de l’eau potable du foyer. Dans l’expérience Biosphère Urbaine, Caroline et Corentin ont utilisé des toilettes vivantes.

Contrairement aux toilettes sèches classiques qui demandent un grand espace de compostage, les toilettes vivantes utilisent des larves de mouches soldats noires pour accélérer le processus et limiter les odeurs

Ce système nécessite un séparateur pour que l’urine soit évacuée dans les canalisations existantes, tandis que de l’autre, les larves consomment et transforment directement les matières organiques.

biosphère urbaine - schéma toilettes vivantes
Crédits illustration : ©Biosphere Experience

Résultats et retours d’expérience :

  • Une maintenance réduite. Le système est facile à utiliser et à entretenir. Il n’oblige pas les habitants à changer en profondeur leurs habitudes. 
  • Absence d’odeurs. L’activité des larves empêche le développement des mauvaises odeurs (et c’est certainement le frein principal à l’utilisation des toilettes sèches en appartement !). 
  • Création de ressources. Les larves, une fois adultes, peuvent servir de nourriture animale de haute qualité (pour des poules ou des poissons), tandis que le résidu (le digestat) constitue un compost extrêmement nutritif pour les sols.

2. Bioponie : un potager dans sa cuisine

La bioponie est une méthode de culture hors-sol organique. Cela permet de produire des aliments frais chez soi et donc de limiter le transport entre la production et la consommation.

L’appartement était équipé d’un bassin de 4 m² contenant 300 litres d’eau et placé devant des fenêtres exposées plein sud. Plus de 120 plants (menthe, basilic, roquette, ciboulette) y ont été repiqués. L’eau circulait en circuit fermé grâce à une petite pompe, passant par un biofiltre composé de billes d’argile et de roches volcaniques.

biosphère urbaine -  schéma bioponie
Crédits illustration : ©Biosphere Experience

Les bénéfices observés :

  • Fraîcheur des aliments. Les légumes feuilles perdent très vite leur valeur nutritive après récolte. Ici, le « bar à cueillette » garantissait une fraîcheur maximale puisque la récolte était faite juste avant de cuisiner.
  • Autonomie en engrais. Le système recyclait l’eau de la douche (après filtration) et utilisait une infime dose d’urine (environ 1 %) comme engrais azoté naturel.
  • Bien-être pour les habitants. Corentin et Caroline ont souligné le plaisir visuel de la végétation permanente et, l’été, le bénéfice pour rafraîchir l’appartement grâce à la circulation de l’eau. 

3. Garde-manger : se passer du réfrigérateur

Le frigo est un poste important de dépense énergétique dans un foyer. Pour se passer de frigo ou opter pour un frigo de plus petite taille, il est possible d’utiliser un garde-manger. C’est le meilleur moyen pour conserver vos fruits et légumes plus longtemps. 

Voici comment construire un garde-manger bien optimisé ! Le garde-manger ne se contente pas d’être un placard. Il est conçu pour respecter les besoins spécifiques de chaque aliment avec :

  • des zones aérées pour les fruits et légumes qui ont besoin de respirer ; 
  • des zones sombres pour les tubercules afin d’éviter qu’ils ne germent prématurément.

Pour les produits sensibles, un très petit réfrigérateur de 20 litres (fonctionnant en 12 volts) suffisait amplement.

biosphère urbaine - schéma garde manger
Crédits illustration : ©Biosphere Experience

4. Lit boîte et slowheating: chauffer au plus près des corps

Le chauffage est souvent le premier réflexe en hiver, mais c’est aussi un gros poste de dépense en énergie, surtout dans un immeuble mal isolé. 

L’approche de « Slowheat » change de paradigme et permet de baisser les factures d’énergie sans envisager de travaux coûteux. C’est une solution particulièrement intéressante pour les personnes qui ne sont pas propriétaires de leur appartement !

Inspiré des lits clos traditionnels bretons, le lit-boîte installé par Caroline et Corentin était surélevé et entouré de cloisons isolées avec de la laine de chanvre.

Cette technique a plusieurs avantages : 

  • En réduisant le volume à chauffer, on crée un petit espace chaleureux et isolé des bruits et de la lumière parasites.
  • L’utilisation de bouillottes ou de vêtements adaptés permet de maintenir un confort thermique même si la température ambiante de la pièce descend, ce qui est déterminant pour la sobriété énergétique en hiver.
  • Sans chauffage et en utilisant des couvertures épaisses, on évite les désagréments d’une chambre trop chauffée qui perturbe le sommeil profond.

5. Terrasse solaire : vers l’autonomie électrique en ville

L’appartement visait une autonomie électrique totale grâce à une terrasse solaire :

  • Grâce à la grande sobriété énergétique du mode de vie testé, 4 m² de panneaux solaires (soit 840 Wc) ont suffi à couvrir 100 % des besoins électriques durant l’expérience. 
  • Un microcontrôleur (que Corentin et Caroline ont appelé « le cerveau ») gérait la consommation en temps réel. Par exemple, certains appareils ne s’activaient qu’en fonction de l’ensoleillement et du niveau de la batterie.
  • La terrasse accueillait également un four solaire et un déshydrateur solaire. Ils permettaient de réaliser des cuissons ou des transformations d’aliment sans aucune électricité les jours de beau temps.

L’expérience Biosphère Urbaine : comment vivrons-nous en ville dans le futur ?

L’expérience Biosphère Urbaine prouve qu’un autre mode de vie urbain est possible et désirable. En adoptant ces systèmes, Corentin et Caroline n’ont pas seulement réduit leur empreinte carbone, ils ont pu aussi profiter d’une autonomie gratifiante et d’une connexion précieuse avec leur environnement immédiat.

L’expérience prouve également que ce changement de mode de vie ne repose pas sur une approche autonomiste et individualiste. Mais bien, au contraire, sur la coopération avec les autres habitants. Le projet reposait sur une organisation territoriale forte : accès à des légumes bio via une AMAP, production de larves de mouche soldat noire… Pour aller plus loin, consultez le site biosphere-experience.org