Chloé et Olivier ont voyagé durant 2 ans à la découverte des habitations alternatives à travers le monde. Leur objectif : montrer que les maisons écologiques sont de véritables solutions durables et économiques.
Un tour du monde des habitations alternatives, naissance du projet
Alors âgé de 20 ans, Olivier a vu un documentaire qui a bousculé sa vision de la vie : Volem rien foutre al païs de Pierre Carles. Ce documentaire dressait le portrait de gens qui avaient décidé de vivre autrement en France et en Espagne. Un trentenaire expliquait que sa maison, construite en bottes de paille, lui avait coûté 10 fois moins cher qu’une maison conventionnelle.
Des années plus tard, après avoir fini ses études de droit, le jeune homme a repensé à ce film. Son envie de découvrir d’autres habitations alternatives lui donna l’idée de partir à la rencontre de ceux qui inventent ces techniques de construction alternatives.
Chloé a fait des études de réalisation de documentaires. Elle a commencé en travaillant sur des sujets de société tels que la précarité, les droits des femmes, l’immigration… Ce nouveau projet avec Oliver était l’occasion de faire quelque chose de positif. Alors que le couple était en pleine transition dans leurs habitudes de consommation, se renseigner sur les logements écologiques alternatifs pouvait aussi leur servir personnellement.
Un voyage alternatif de 2 ans en stop et en transports en commun
Ils ont préparé le voyage durant un an en tissant des partenariats avec différentes institutions en France. Ils se sont aussi énormément documentés sur les habitations alternatives qui existaient, ont participé à des chantiers d’auto-construction en paille en France avant le départ, ont répertorié les différentes techniques telles que les Earthships ou les Super-Adobes et ils sont partis 2 ans à la découverte d’un autre monde en construction(s) !
Ils ont ainsi voyagé en transport en commun et en stop, sans revenir en France. La première année,ils sont allés vers l’Est de l’Europe et de l’Asie : Italie, Grèce, Turquie, Iran, Inde, Népal, Thaïlande, Malaisie, Philippines. La deuxième année, ils ont rejoint le continent américain : Canada, Etats-Unis, Costa Rica, Guatemala, Nicaragua et Colombie.
Ils ont participé à de nombreux chantiers et ont décidé de documenter leur voyage à travers des photos et des vidéos pour montrer que partout dans le monde, des hommes et des femmes s’intéressent aux constructions alternatives et mettent en place des solutions concrètes.
Quelles sont les habitations alternatives qui existent dans le monde ?
Ce voyage de deux ans à la découverte des habitations alternatives les a conduits sur une vingtaine de projets de constructions finis ou en cours. Parmi les différentes techniques, ils ont principalement retenu cinq habitations écologiques alternatives :
Les sacs de terres pour répondre à l’urgence
Ils ont découvert cette technique au Népal, en participant à un chantier d’une école dans un village initié par l’ONG First Step Himalaya. Les construction en sac de terre sont très rapides et économiques : il suffit d’empiler des sacs remplis de terre, de sable ou de gravats, et de les enduire ! Cette technique permet de répondre aux situations d’urgence et de loger convenablement des victimes de guerre et de catastrophes naturelles. Le chantier auquel ils ont participé s’est terminé un mois avant le terrible tremblement de terre d’avril 2015… et le bâtiment est resté intact, alors que la plupart des maisons du village en terre ou en parpaing ont été détruites ! Ce triste événement a permis de démontrer que ces constructions pourtant simples résistent bien aux séismes. Aujourd’hui, de plus en plus d’habitants et d’ONG se tournent vers cette solution pour reconstruire les zones sinistrées du Népal.
Les Earthships, des maisons à énergie positive
Ces maisons atypiques sont construites à partir de matériaux usagés (comme les pneus ou les bouteilles de verre) et visent à une « autonomie radicale » en eau, en énergie et en nourriture.
Le couple a passé deux semaines à Taos, dans une zone expérimentale en plein désert du Nouveau-Mexique où plus de 600 earthships ont été construits depuis 40 ans. Ils ont rencontré l’inventeur, l’architecte Michael Raynolds, et ont assisté à plusieurs cours de l’Eartship Academy où une centaine de volontaires viennent apprendre à construire ces maisons.
Cette technique séduit de plus en plus d’auto-constructeurs autour du monde ! Ils ont eu l’occasion de visiter d’autres Earthships durant leur voyage au Québec (l’ES-Cargot d’Hélène et Alain), en Turquie et en France (à Gers en Normandie).
La paille : mieux isoler pour réduire la facture énergétique
Olivier et Chloé ont également passé un mois au Québec, dans l’Eco-hameau de la Baie. Depuis 20 ans, ses habitants cherchent des solutions pour un mode de vie « post-pétrolier ». Ils ont notamment inventé une technique de construction en paille qui réduit énormément le temps de pose de l’enduit. Les bottes de paille sont insérés dans une double ossature en bois, puis recouvertes par un mortier (composé de sable, sciure de bois, chaux, ciment) à l’aide d’un coffrage.
Grâce notamment à l’association française «Approche Paille», qui organise régulièrement des formations, cette technique est maintenant largement répandue en France, mais aussi en Belgique, Italie, Espagne, Roumanie, Ukraine, Chili, Argentine, Maroc !
La terre crue : revaloriser les savoirs traditionnels
La terre crue est un matériaux utilisé traditionnellement partout sur la planète. Elle a de nombreux avantages : ressource locale, peu coûteuse, et nécessitant très peu d’énergie pour sa transformation (contrairement aux briques de terre cuite). Pourtant, dans de nombreux pays en voie de développement, la terre crue est délaissée au profit du béton, bien qu’il soit cher et peu adapté au climat. Au Nicaragua, ils ont rencontré plusieurs femmes passionnées par la construction en terre crue, dont l’architecte Dulce Maria Guillem. Depuis plusieurs années, elle tente de revaloriser ces habitations alternatives pour renforcer l’autonomie des femmes en leur apprenant à construire leurs maisons.
Le Bambou Guadua : lutter contre la déforestation
En Colombie, Olivier et Chloé se sont intéressés à l’utilisation du Guadua Angustifolia, une espèce de bambou géant endémique surnommé « acier végétal », en raison de sa robustesse. Ces habitations alternatives construites avec ce bambou permettent d’endiguer la déforestation des forêts primaires : il faut entre 4 et 8 ans seulement à une plante pour être utilisable en construction !
Le couple a passé quelques jours avec l’architecte Simon Velez, un architecte colombien primé internationalement pour ses constructions en bambous. Il a développé une technique d’assemblage qui lui permet de concevoir des constructions géantes comme des ponts, des éco-lodges et même une cathédrale !
Bilan du voyage : la nécessité urgente de repenser l’habitat
Qu’importe le pays, le continent, le climat ou la richesse, Olivier et Chloé ont trouvé chez chaque personne rencontrée cette même envie de faire bouger les choses. Les acteurs de ce changement sont tous très enthousiastes et leur énergie est sans faille, malgré l’impression de n’être parfois qu’une goutte d’eau dans une forêt en flamme. Ces hommes et ces femmes sont ces fameux Colibris chers à Pierre Rabbi ! Pour ces éco-constructeurs, repenser nos habitats est crucial et urgent, puisque le secteur de la construction consomme plus de 40% de la production énergétique mondiale et est responsable d’environ 30% des émissions de gaz à effet de serre.
Aujourd’hui, le béton est utilisé de manière quasiment systématique pour toutes les étapes de la maison (fondations, murs, toits etc.), alors qu’il est énergivore et souvent très peu adapté au climat. Par exemple, dans les pays tropicaux, les maisons en parpaings sont des vrais fours et se dégradent rapidement à cause de l’humidité. Alors que les maisons en terre sont bien plus agréables et durables si elles sont bien construites et entretenues.
Dans les pays froids, les éco-constructeurs mettent l’accent sur l’isolation. Les maisons GREB (ossature bois et isolées avec des bottes de paille) résistent très bien aux hivers à -30° !
Dans certains pays arides, il est difficile de trouver du bois ou du bambou pour faire la charpente. C’est dans ce contexte que Nader Khalili a eu l’idée de concevoir des dômes en sacs de terre.
Ainsi, construire avec des matériaux locaux et naturels permet non seulement de baisser le coût de construction mais aussi de réduire l’impact écologique de l’habitat.
Plus que des habitations alternatives, le couple a remarqué que ceux qui construisent autrement ont également une démarche beaucoup plus globale : ils recherchent aussi d’autres manières de produire leur nourriture, d’élever leurs enfants, de se soigner… C’est ce qui a rendu leur enquête encore plus passionnante, car cela permet d’ouvrir les yeux sur un autre monde !
Alors que la planète se détériore jour après jour avec la pollution des terres, des mers, le gaspillage des ressources… ces hommes et ces femmes sont porteurs d’espoir et montrent qu’on peut tous agir à notre échelle. Olivier et Chloé finissent régulièrement leurs interviews en demandant « êtes-vous optimistes pour l’avenir de l’Homme sur la planète ? ». Aux USA, Matts Myrhman, un pionnier de la construction en paille leur a répondu : « Si tu investis dans le désespoir, tu peux être certain que rien ne changera. Donc autant se tourner vers l’espoir, même si c’est à une toute petite échelle comme construire une maison en terre. En soi, c’est déjà un acte d’espoir ! » C’est ce message que le couple souhaite porter aujourd’hui.
Ils exposent les photos de leur voyage et préparent un documentaire. L’exposition sera installée sur la base de loisirs du « Quai Vert » à 30 minutes de Nantes de Février à Juin 2018. L’argent ainsi récolté servira à financer la réalisation du documentaire.